La mastication : un pilier de la santé, du poids et du cerveau

La mastication joue un rôle fondamental non seulement dans la digestion, mais aussi dans la gestion du poids et la santé du cerveau.
Ce processus, souvent négligé, a un impact direct sur la sensation de satiété, la quantité d’aliments ingérés, le bien-être intestinal et bien plus encore.
L'un des éléments clés à comprendre est que la sensation de satiété ne se déclenche qu'après environ 20 minutes de mastication et d'ingestion d'aliments.
Cela signifie que si nous mangeons rapidement, notre cerveau n'a pas le temps de signaler que nous sommes rassasiés, ce qui peut entraîner une surconsommation alimentaire.
Plus nous prenons le temps de mastiquer, et d'avaler nos bouchées seulement lorsqu'elles sont réduites en purées, plus ce signal arrive tôt, réduisant ainsi la quantité d’aliments que nous ingérons avant de ressentir cette sensation de plénitude.
Pourquoi la mastication influence-t-elle la gestion du poids ?
Le cerveau met du temps à recevoir et traiter les signaux de satiété.
En moyenne, il faut environ 20 minutes après le début d'un repas pour que ces signaux se manifestent pleinement.
Si nous mangeons trop vite, nous consommons plus d'aliments avant que le cerveau n'ait eu le temps d'agir.
C'est là que la mastication joue un rôle clé.
En mastiquant plus lentement, on ralentit le rythme de consommation des aliments et on donne ainsi au corps plus de temps pour envoyer les signaux de satiété au cerveau.
En conséquence, on mange moins, ce qui peut aider à contrôler l'apport calorique quotidien.
De plus, plus les aliments sont croquants, plus ils sont difficiles à mastiquer et plus le processus de digestion se fait lentement.
Cela accélère la survenue de la sensation de satiété, ce qui rend plus facile la gestion de l'appétit et la régulation du poids.
Les aliments croquants (comme les légumes, fruits et noix) sont donc particulièrement bénéfiques car ils nécessitent plus d'efforts de mastication, ce qui favorise une meilleure gestion des calories.
Études scientifiques sur la mastication et la gestion du poids
De nombreuses études scientifiques ont mis en évidence l'impact de la mastication sur la prise alimentaire et la gestion du poids.
Une étude de 2007 a révélé que les individus qui mâchaient plus longtemps mangeaient moins.
D'autres recherches ont montré qu'une mastication excessive entraîne une réduction de la prise alimentaire en raison de l'activation plus rapide des signaux de satiété.
Cela est en grande partie dû aux effets de la mastication sur la réponse intestinale, qui régule la faim et les hormones associées à la satiété.
Une méta-analyse de 16 études a montré une corrélation entre une mastication insuffisante et un risque accru d'obésité.
Les personnes ayant une mastication plus faible, c'est-à-dire ceux qui mâchent moins longtemps et avec moins d'intensité, ont tendance à avoir un plus grand appétit et à consommer davantage d'aliments.
Ce phénomène est en grande partie dû à une moins bonne activation des mécanismes de régulation de l'appétit, liés à la digestion et à la satiété.
La mastication influence la sécrétion d’insuline et la gestion du sucre sanguin
Une autre étude intéressante a montré que la mastication pouvait également affecter la sécrétion d’insuline et la gestion de la glycémie.
Dans l’une des expériences, des individus ont été invités à mâcher un riz pendant 40 fois, puis leurs niveaux de sucre sanguin ont été mesurés.
Ceux qui avaient mastiqué plus longtemps avaient une glycémie moins élevée par rapport à ceux qui avaient mâché moins longtemps (seulement 10 fois). Cette observation souligne l’importance de la mastication dans le contrôle de la glycémie, un facteur déterminant pour prévenir les troubles métaboliques comme le diabète de type 2 et l’obésité.
En améliorant la sécrétion d'insuline, la mastication contribue à une gestion plus efficace des sucres dans le sang, réduisant ainsi les risques de prise de poids excessive.
Mastication et fonctions cognitives : des liens avec l'intestin
La mastication ne se limite pas à la gestion du poids et à la digestion, elle a également un impact majeur sur la santé cognitive.
Des études ont mis en évidence une relation entre une mastication de faible qualité et une dégradation des fonctions cognitives, notamment chez les personnes âgées.
Une méta-analyse de 2017 a révélé qu’une mauvaise fonction masticatoire pouvait entraîner des troubles de la mémoire, et même augmenter le risque de démence.
En effet, mastiquer engage non seulement les muscles de la mâchoire, mais aussi plusieurs régions du cerveau. Une mastication efficace, surtout en vieillissant, contribue à maintenir la santé cérébrale et à préserver les fonctions cognitives.
Le lien entre la mastication et les troubles cognitifs va plus loin.
Une mauvaise mastication a également un impact sur la perméabilité intestinale, qui est un facteur clé dans la santé cérébrale.
En effet, une mastication inefficace peut entraîner une digestion incomplète des aliments, ce qui met une pression supplémentaire sur l’intestin.
Cela peut favoriser une condition connue sous le nom de permeabilité intestinale ou intestin poreux.
Lorsque l'intestin devient trop perméable, des substances non digérées (comme des macromolécules alimentaires ou des agents pathogènes) peuvent pénétrer dans la circulation sanguine.
Cette fuite de substances dans le corps active une réponse inflammatoire qui, au fil du temps, peut affecter également le cerveau, provoquant ce que l'on appelle des neuroinflammations.
Ces inflammations chroniques dans le cerveau sont liées à des troubles cognitifs et au déclin des fonctions cérébrales, augmentant ainsi le risque de maladies neurodégénératives, telles que la démence ou la maladie d'Alzheimer.
Ainsi, en plus de ses effets bénéfiques sur la digestion et la gestion du poids, une mastication correcte peut également protéger notre cerveau en réduisant les risques de neuroinflammation et en maintenant l'intégrité de la barrière intestinale.
Les bénéfices des polyphénols et la mastication
Un autre aspect souvent négligé de la mastication est son rôle dans l’absorption des nutriments.
Par exemple, les polyphénols, des composés présents dans les fruits et légumes, ont de nombreux bienfaits pour la santé (antioxydants, anti-inflammatoires, etc.). Cependant, ces polyphénols sont contenus dans des cellules végétales résistantes à nos enzymes digestives.

Pour libérer ces composés et bénéficier de leurs propriétés, il est essentiel de bien mastiquer les aliments.
Si nous ne les broyons pas suffisamment avec nos dents, les polyphénols resteront piégés dans les cellules végétales et ne seront pas absorbés par notre organisme.
Cela montre à quel point la mastication est cruciale pour maximiser l’absorption des nutriments bénéfiques.
Comment améliorer sa mastication ?
Si vous êtes convaincu des bienfaits de la mastication, sachez qu'il est possible de l’améliorer avec quelques astuces simples.
La première étape est de prendre conscience de l’importance de la mastication. Lorsque vous mangez, il est essentiel de se concentrer uniquement sur la nourriture.
Évitez les distractions comme la télévision ou les téléphones portables, et prenez le temps de savourer chaque bouchée.
Voici quelques conseils pour vous aider à mastiquer plus efficacement :
Mangez lentement : Prenez votre temps, en mâchant chaque bouchée au moins 20 à 30 fois.
Utilisez des baguettes : Cela peut vous ralentir et vous encourager à prendre de petites bouchées.
Servez-vous dans des petites assiettes : Cela vous aide à mieux contrôler la quantité d’aliments que vous consommez.
Faites des pauses : Arrêtez-vous quelques secondes après chaque bouchée pour apprécier la saveur et éviter de manger trop vite.
Évitez de parler en mangeant : Cela vous permet de rester concentré sur le processus de mastication.
Il n'est jamais trop tard pour commencer à améliorer la qualité de votre mastication.
Même si vous avez l’habitude de manger rapidement, vous pouvez vous recentrer sur vos actions, être plus conscient de votre façon de manger et intégrer ces habitudes dans votre quotidien.
Avec le temps, cela deviendra un automatisme qui vous aidera à mieux contrôler votre alimentation et à préserver votre santé.
En somme, la mastication est bien plus qu’un simple geste mécanique. C'est une étape cruciale pour favoriser la digestion, prévenir la prise de poids, maximiser l'absorption des nutriments et protéger notre cerveau.
En adoptant une mastication consciente, nous pouvons améliorer considérablement notre bien-être physique et mental, tout en réduisant les risques d'inflammation intestinale et cérébrale.
Sources:
Padayachee A, Netzel G, Netzel M, Day L, Mikkelsen D, Gidley MJ. Lack of release of bound anthocyanins and phenolic acids from carrot plant cell walls and model composites during simulated gastric and small intestinal digestion. Food Funct. 2013 Jun;4(6):906-16. doi: 10.1039/c3fo60091b. Epub 2013 May 9. PMID: 23660747.
2: Miquel-Kergoat S, Azais-Braesco V, Burton-Freeman B, Hetherington MM. Effects of chewing on appetite, food intake and gut hormones: A systematic review and meta-analysis. Physiol Behav. 2015 Nov 1;151:88-96. doi: 10.1016/j.physbeh.2015.07.017. Epub 2015 Jul 15. PMID: 26188140.
3: Tada A, Miura H. Association of mastication and factors affecting masticatory function with obesity in adults: a systematic review. BMC Oral Health. 2018 May 4;18(1):76. doi: 10.1186/s12903-018-0525-3. PMID: 29728079; PMCID: PMC5935987.
4: Sato A, Ohtsuka Y, Yamanaka Y. Morning Mastication Enhances Postprandial Glucose Metabolism in Healthy Young Subjects. Tohoku J Exp Med. 2019 Nov;249(3):193-201. doi: 10.1620/tjem.249.193. PMID: 31761819.
5: Wagner M, Hewitt MI. Oral satiety in the obese and nonobese. J Am Diet Assoc. 1975 Oct;67(4):344-6. PMID: 1159256.
6: Pedroni-Pereira A, Araujo DS, Scudine KGO, Prado DGA, Lima DANL, Castelo PM. Chewing in adolescents with overweight and obesity: An exploratory study with behavioral approach. Appetite. 2016 Dec 1;107:527-533. doi: 10.1016/j.appet.2016.08.122. Epub 2016 Sep 3. PMID: 27596947.
7: Tada A, Miura H. Association between mastication and cognitive status: A systematic review. Arch Gerontol Geriatr. 2017 May-Jun;70:44-53. doi: 10.1016/j.archger.2016.12.006. Epub 2016 Dec 14. PMID: 28042986.
8: Akifusa S, Soh I, Ansai T, Hamasaki T, Takata Y, Yohida A, Fukuhara M, Sonoki K, Takehara T. Relationship of number of remaining teeth to health-related quality of life in community-dwelling elderly. Gerodontology. 2005 Jun;22(2):91-7. doi: 10.1111/j.1741-2358.2005.00059.x. PMID: 15934350.
9: Akifusa S, Soh I, Ansai T, Hamasaki T, Takata Y, Yohida A, Fukuhara M, Sonoki K, Takehara T. Relationship of number of remaining teeth to health-related quality of life in community-dwelling elderly. Gerodontology. 2005 Jun;22(2):91-7. doi: 10.1111/j.1741-2358.2005.00059.x. PMID: 15934350.
10: Pérez-Jiménez J, Díaz-Rubio ME, Saura-Calixto F. Non-extractable polyphenols, a major dietary antioxidant: occurrence, metabolic fate and health effects. Nutr Res Rev. 2013 Dec;26(2):118-29. doi: 10.1017/S0954422413000097. Epub 2013 Aug 9. PMID: 23930641.
Comments